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Par BABOUN3737 le 22 Février 2010 à 18:28
L 'addiction au jeu
1: Définition
Dans l'ICD-10, la classification internationale des maladies, l'addiction pathologique au jeu est classée parmi les "troubles des habitudes et trouble de l'impulsion" et est défini ainsi :
"Trouble consistant en des épisodes répétés et fréquents de jeu qui dominent la vie du sujet au détriment des valeurs et des obligations sociales, professionnelles, matérielles et familiales."
Le jeu pathologique n'inclut par le jeu excessif de patients maniaques. Une manie est une pathologie en soi, qui se distingue par une excitation excessive, une humeur exaltée infondée et une agitation extrême. De même, n'est pas considéré comme addiction au jeu, le jeu de personne ayant un trouble dyssocial de la personnalité, qui est "caractérisé par un mépris des obligations sociales et une indifférence froide pour autrui", que l'on diagnostique, par exemple, fréquemment chez les détenus.
Le jeu pathologique se distingue par un besoin durable, répété et croissant de pratiquer les jeux de hasard, et ce malgré des conséquences personnelles et sociales négatives, telles que l'endettement, l'altération des relations familiales et une stagnation de la vie professionnelle.
On ne parle de jeu pathologique, que si au moins deux épisodes de jeu compulsifs ont été observés sur une période d'une année..
Dans une autre classification majeure des maladies, le "DSM-IV", sont évoquées les structures de pensées typiques d'un joueur compulsif :
- Une signification de l'argent particulière au joueur
- Une considération des performances fortement orientée sur la concurrence
- L'anxiété du joueur
- Un besoin souvent excessif de reconnaissance sociale
- Une tendance au travail frénétique
- L'apparition fréquente de pathologies psychosomatiques dûes au stress
2. Comment se développe l'addiction au jeu ?
2.1. La problématique de base
L'apparition de l'addiction au jeu est un processus complexe, qui implique de nombreux facteurs. Les plus importants de ces facteurs sont :
- Un important trouble de l'amour-propre (trouble narcissique de la personnalité)
- Un trouble relationnel
- Un manque de régulation de son excitation
Trouble de l'amour-propre
Le trouble important et profondément ancré de l'amour-propre est un facteur clef, dans lequel le soi est décrit comme un état de vacuité ou de néant, qui provient souvent d'un sentiment d'infériorité vécu durant l'enfance, et est compensé par des fantaisies de pouvoir illimité et de grandeur.Les gains encaissés au départs accroissent la surestimation, et confirment le sentiment de supériorité de la personne. Au début, apparaît souvent le "big win", un gain rapide et apparemment gros, qui est le déclencheur de fantasmes et de rêve de richesses.
Trouble relationnel
Le Psychiatre pour enfants britannique John Bowlby a, dans les années 60, développé une théorie relationnelle. Il a établi que les personnes orientent leur type relationnel à la délicatesse et au tact de leur mère, ainsi qu'à ses capacités à s'adapter au petit enfant.Le type relationnel "défiant - évitant" est, par exemple, un enfant incertain quant à la disponibilité de l'autre personne de la relation. Il s'attend en général à ce que ses demandes soient refusée. On retrouve souvent ce type chez les enfants qui ont été fréquemment rejetés. Les enfants avec ce type relationnel sont en général plus facilement sujets à des troubles psychiques que les enfants ayant un type relationnel plus "confiant". Les joueurs compulsifs ont assez fréquemment un type relationnel défiant.
Chez les joueurs compulsifs, on trouve par ailleurs souvent la situation "broken-home" avec en général une figure paternelle très altérée. Le joueur compulsif aura fréquemment été l'objet d'abus.
Manque de régulation de l'excitation
L'incapacité à réguler son excitation et sa tension intérieure se montre surtout dans l'état d'agitation du joueur. Souvent, sa motivation première en commençant à jouer est son aspiration au succès et aux gains, un besoin de passer le temps et tuer l'ennui, ou le combat de sentiments négatifs, comme par exemple après une séparation. Puis, petit à petit, le joueur tombe dans un cercle vicieux dont pâtissent tous les domaines de sa vie.Le joueur rentre dans un état d'excitation et d'enthousiasme extrême, et essaye de trouver des excuses et des explications logiques à son besoin incontrôlé de jouer. Il peut alors être sujet à des pensées occultes et superstitieuses. Peu à peu, il s'enfonce dans un monde fantastique, imprégné de rêves de pouvoir et de gains. Il commence à s'aliéner son environnement, et est sujet à des cognitions erronées. Le jeu devient petit à petit la principale activité de son existence, et tout converge vers son déclin physique, personnel et social.
Le joueur se distingue également par un mauvais contrôle de ses impulsions, c'est-à-dire qu'il ne peut résister à son envie compulsive de jouer, au même titre qu'un alcoolique a souvent du mal à resister à l'envie de reboire en sortant de cure de désintoxication. Malgré les conséquences désastreuses, le joueur a un besoin croissant d'échapper aux contraintes en jouant.
Ceci a également une origine neuro-biologique. Le processus de récompense du cerveau (système mésolimbique) est chroniquement surexcité, ce qui enclenche une réaction du cerveau, qui cherche à réguler cette surexcitation. Pour se protéger des surexcitations, dommageables au cerveau, celui-ci devient de moins en moins sensible aux attraits de la récompense. Une certaine routine s'installe alors (neuro-adaptation). Afin de pouvoir revivre cet accès d'adrénaline, le joueurs doit alors jouer plus souvent, ou de plus grosses sommes. Le libérateur d'adrénaline le plus à même de développer une addiction est, au poker, le moment de l'abattage.
2.2. Cognitions erronées
Le joueur compulsif est sujet à des idées erronées, voire irrationnelles, dont voici les plus fréquentes :
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L'illusion de contrôle
Celle-ci est imprégné de l'idée que les jeux de hasard comportent une plus grande part d'influence personnelle que ce n'est le cas objectivement.
Les gains sont attribués à sa propre capacité, et les pertes à des circonstances malheureuses. -
L'effet Monte-Carlo ("gamblers fallacy")
La fréquence d'événements antérieurs laisse le joueur croire qu'il peut en tirer des conclusions sur la suite des événements (par exemple, à la roulette, la croyance suivante : le noir est tombé trois fois de suite, la probabilité que le rouge tombe au tour suivant s'en trouve donc accrue)
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Mauvaise interprétation des probabilités de gains
Les joueurs surestiment souvent de manière surréaliste leurs chances de gains. Par exemple, au loto, 98 % des mises ne sont pas récompensées.
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Le "manqué de peu" ("cognitive regret and near miss")
Cela arrive par exemple lorsque, devant une machine a sous où le même symbole doit apparaître trois fois pour générer un gain, si ce symbole apparaît deux fois, le joueur se dit alors "ah, j'ai manqué le jackpot de peu, il faut que je persévère !“
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L'emprisonnement ("entrapment")
Il s'agit de l'attachement à une mauvaise décision, afin de justifier l'investissement déjà effectué. "Ok, je suis battu, mais bon, j'ai été jusqu'au turn, alors je vais également jeter un œil sur la river !"
Il est prouvé que, durant une partie de jeu de hasard, un pourcentage très élevé de cognitions erronées se développent.
3. Qui est menacé ?
Les personnes concernées sont avant tout des hommes, célibataires, vivant en métropole, avec un âge moyen d'environ trente ans. Le début de l'addiction se trouve souvent dans l'adolescence, sauf chez les femmes chez qui celle-ci apparaît généralement en milieu de vie. Lorsqu'ils sont reçus en traitement, les joueurs sont en général surendettés, ont des tendances suicidaires, et ont commis des délits criminels, par exemple pour se procurer de l'argent. Un grand nombre des joueurs compulsifs (environ un tiers) souffrent par ailleurs d'une dépendance matérielle, par exemple à l'alcool, ou à l'héroïne.
Durant leur existence, environ 2-3 % de la population ont un rapport problématique au jeu, et environ 1 % un comportement pathologique. Il y a une corrélation entre la disponibilité de la prestation de jeux de hasards (mesurable par exemple, en nombre de machine à sous par 1000 habitants), et la part de joueurs pathologique dans la population.
Le déclencheur peut être l'expérience d'un gros gain du début ("big win"), ou un événement pénible dans la vie du joueur, comme un problème de couple, une séparation, la grossesse de sa partenaire, ou un échec professionnel.
On note également un forte comorbidité (la coexistence de plusieurs pathologies simultanées). Par exemple, 50 % des joueurs compulsifs ont des troubles maniaco-dépressifs, dont résultent souvent une humeur maussade et une perte d'intérêt.
25% des joueurs accompagnés ont déjà tenté au moins une fois de se suicider. 90 % des joueurs ont des troubles de la personnalité. Un trouble de la personnalité se distingue par un type de comportement perturbé à apparition répétée, apparu durant l'enfance ou l'adolescence, et qui amène à de lourds problèmes sociaux. Le plus fréquent est le trouble narcissique de la personnalité, qui se distingue par un sentiment démesuré de sa propre importance, dans lequel le patient exagère constamment ses talents et ses performances, est saisi par des rêves excessifs de succès, gloire, pouvoir, etc... Le patient se croit singulier et unique, et a un constant besoin de l'admiration d'autrui.
Les troubles narcissiques de la personnalité sont difficiles à traiter, car le patient tend souvent à interrompre le traitement, car il n'y trouve pas la confirmation de sa grandeur.
4. Test
Afin de vous permettre une évaluation simple sur votre éventuelle dépendance au jeu, je vous propose de répondre à ce test personnel de 19 questions. Si vous répondez oui à plus de 7 questions, alors vous êtes peut-être menacé de dépendance au jeu, et devriez chercher à y remédier.
1. Avez-vous déjà joué jusqu'à épuisement de votre argent ?
2. Avez-vous déjà emprunté de l'argent pour jouer ?
3. Avez-vous déjà effectué un crédit pour jouer ?
4. Dépassez-vous régulièrement les limites temporelles ou financières que vous vous êtes vous même fixé ?
5. Avez-vous déjà envisagé de vous procurer de l'argent illégalement pour jouer ?
6. Pensez-vous souvent au jeu ?
7. Avez-vous déjà volé de l'argent pour jouer ?
8. En dehors du jeu, avez-vous des difficultés à vous concentrer sur d'autres choses ?
9. Devenez-vous agressif ou agité lorsque vous ne pouvez pas jouer ?
10. Votre vie normale vous semble-t-elle ennuyante comparée au jeu ?
11. Votre intérêt pour votre environnement s'estompe-t-il ?
12. Jouez-vous, afin de combler des pertes ?
13. Cachez-vous à vos amis ou votre famille le véritable montant de vos pertes, ou de vos mises ?
14. Avez-vous souvent mauvaise conscience après avoir joué ?
15. Vous est-il déjà arrivé de jouer alors que vous savez que vous faites du mal à vous ou autrui ?
16. Avez-vous déjà joué pour vous remonter le moral, ou pour fuir un problème ?
17. Le jeu a-t-il déjà provoqué une dispute ou des problèmes dans votre famille ?
18. Avez-vous déjà séché vos cours ou votre travail pour jouer ?
19. Avez-vous déjà pensé au suicide à cause du jeu, ou tenté de vous suicider à cause du jeu ?
5. Que faire en cas d'addiction ?
Tout d'abord, il faut déterminer s'il s'agit de comportement présentant une pathologie. Pour ce faire, il faut vous adresser à un espace conseil. Vous pouvez également vous renseigner sur le site Adictel ou SOS joueurs, ou en appellant les numéros de téléphones indiqués plus bas.
Une fois le diagnostic établi, on peut choisir entre un traitement stationnaire ou ambulant. Si le patient est encore bien intégré socialement, que l'addiction ne s'est pas encore trop développée, on peut s'orienter vers des visites régulière d'un espace conseil, ou une psychothérapie ambulante, chez un psychologue établi ou un médecin psychothérapeute.
En cas de symptômes aggravés, qui requièrent un traitement stationnaire, il faut choisir entre une clinique à orientation psychosomatique ou une clinique de la dépendance. Si les conséquences psychosociales ne sont pas encore trop lourdes, ou si l'addiction résulte d'une situation pénible (perte d'emploi, séparation), alors on peut s'orienter sur une clinique psychosomatique.
En cas de dynamique d'addiction autonome avancée, il faut s'orienter vers une clinique de la dépendance. Si, en plus du jeu, vous avez une dépendance matérielle, à l'alcool ou à la drogue, alors il est conseillé de vous orienter vers un centre de désintoxication, dans une clinique psychiatrique.
En général, une partie de la thérapie inclut un accord contractuel sur le respect d'une totale abstinence aux jeux de hasard. C'est cette abstinence totale qui en général permet de révéler le déclencheur de la dépendance, car celui-ci ressort alors. Il existe des organismes de psychologie des profondeurs et d'autres de thérapie comportementale.
Dans tous les cas, il est essentiel de définir le fonctionnement exact du comportement addictif, de discuter des cognitions erronées, et de développer un concept de prévention des rechutes. Il est également essentiel de travailler sur les domaines endommagés chez le joueur (trouble de l'amour-propre, trouble de la régulation émotionelle, trouble relationnel). Il est particulièrement recommandé de traiter les troubles relationnels en thérapie de groupe.
Il est par ailleurs essentiel de prendre en compte la problématique de l'endettement, afin de ne pas fermer les yeux, et ainsi ne pas permettre au patient de la nier, il faut développer un système de gestion de l'argent et des dettes. Dans cette optique, il est important d'intégrer les proches à ce processus, car en épongeant les dettes du patient, ils l'ont souvent conforté dans sont comportement pathologique.
6. Ou trouver de l'aide ?
Vous pourrez trouver de l'aide sur les deux sites internet Adictel ou SOS joueurs.
Par ailleurs, Adictel vous propose des groupes de discussion anonymes et gratuits en ligne avec un psychologue.
Vous pouvez également téléphoner au numéro vert 0805 020000 ou au numéro SOS joueurs 0 810 600 115 (prix d'un appel local).
Tout ceci bien sûr, sous couvert d'anonymat. Vous pouvez également prendre contact pour une personne de votre entourage, si vous connaissez une personne dépendante.
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